EN SAVOIR PLUS SUR...la clause libératoire


En savoir plus sur…la clause libératoire :

 

Elle défraie la chronique, fait la une des journaux sportifs, pointe le bout de son nez à chaque mercato. Elle reste mystérieuse, source de doutes et de conflits en France; mais elle est plus facilement et largement admise à l’étranger...

Aujourd’hui nous allons en savoir plus sur… la clause libératoire.

 

Une clause libératoire qu’est-ce que c’est ?

La clause libératoire est la clause qui permet à un sportif de se libérer de son engagement contractuel, de manière unilatérale, en payant une somme d’argent, dont le montant est prédéterminé au moment de la signature de son contrat de travail ou de son renouvellement.

La clause libératoire se rapproche de la clause pénale qui est une clause contractuelle par laquelle le débiteur s’engage à payer un montant prédéterminé en cas d’inexécution contractuelle. Toutefois, la clause pénale implique une notion de peine contractuelle alors que la clause libératoire est garante d’une liberté contractuelle.

La clause libératoire doit également être distinguée de la clause résolutoire. Celle-ci a pour objet de permettre aux parties de rompre de manière anticipée le contrat en cas de réalisation d’un évènement. Cet évènement doit être clairement défini et indépendant de la volonté des parties. Il peut s’agir, par exemple, de la non qualification pour une compétition particulière ou d'une rétrogradation.

 

Que prévoit la Loi concernant la clause libératoire dans le contrat de travail du sportif en France ?

Dans sa partie relative à la rupture anticipée du contrat, l'article L1243-1 du Code du travail dispose que « sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure ».

Cet article fait écho à l’article L222-2-7 du Code du sport qui dispose que « les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l'entraîneur professionnels salariés sont nulles et de nul effet ».

Ces dispositions étant d’ordre public, on peut s’interroger sur la validité de la clause libératoire insérée dans le contrat de travail du sportif qui, justement, a pour objectif de rompre le contrat de travail avant l’échéance du terme.

Une interprétation extensive de l’article L1243-1 du Code du travail permettrait de considérer que l'"accord des parties" est valable, non seulement, dans l'instant où la rupture est décidée d'un commun accord mais serait également valable par anticipation. Dans cette dernière hypothèse, cet accord serait exprimé dès la signature du contrat de travail, dans un souci de sécurité juridique, d’anticipation des conditions d'une future rupture de ce contrat ou encore pour répondre à un souhait de conserver une certaine autonomie dans la relation contractuelle.

Cette gestion de la rupture, si elle est anticipée par les parties, doit se faire « dans les règles de l’art » et les parties doivent être assistées et conseillées dans la rédaction du contrat et plus particulièrement concernant la clause permettant de rompre le contrat, unilatéralement, en contrepartie d’une somme d’argent prédéterminée.

La clause libératoire doit respecter la lettre des articles L1243-3 et L1243-4 du Code du travail et être impérativement conditionnée au versement d’une somme d’argent qui respecte, a minima, les dispositions et quantum d'indemnisation prévus par ces articles.

La partialité ne doit pas guider notre raisonnement et nous devons nous intéresser à l’œuvre prétorienne en la matière afin de déterminer ce qui est permis, interdit ou éventuellement toléré. Parler « d’œuvre » en matière de clause libératoire serait en réalité exagéré tant les décisions de justice traitant de la question sont rares.

 

Que disent les juridictions ayant statué sur ce sujet ?

Citons par exemple, un arrêt de la Cour d’appel de Lyon, en date du 22 novembre 1994, qui a estimé que la clause permettant au joueur, à deux périodes précises de son contrat de travail et moyennant le respect d’un délai de prévenance, de quitter le club de manière anticipée, moyennant compensation financière au bénéfice du club, était licite au regard de l’ancien article L122-3-8 du Code du travail. Dans cet arrêt, il est également intéressant de noter que la Cour retient une qualification de "clause pénale", ce qui lui permettait alors de moduler le montant de la contrepartie conformément à l’article 1231-5 du Code civil. 

A l’inverse, la Cour d’appel de Reims, dans un arrêt en date du 7 mai 2008, a décidé qu’il « résulte des dispositions d'ordre public de l'article L122-3-8 du Code du travail que le salarié ne peut par avance accepter une rupture du contrat par l'employeur pour d'autres causes que celles prévues par le texte ni convenir d'une indemnisation supérieure à celle résultant de ces dispositions. La clause autorisant un salarié à rompre prématurément un contrat à durée déterminée moyennant le versement des salaires restant à courir : - ajoute un motif de rupture et doit donc être déclaré nul au regard du Code du travail même s'il n'est pas contraire aux dispositions conventionnelles (charte du football professionnel) - doit s'analyser en une clause pénale au sens des articles 1152, 1226 et 1229 du code civil; une telle indemnisation forfaitaire, prédéterminée par les parties et fixée en fonction des salaires est contraire aux dispositions d'ordre public résultant de l'article L122-3-8 du code du travail prévoyant un mode d'indemnisation spécifique plus favorable au salarié. »

L’analyse de ces deux décisions met en lumière la notion « d’intérêt du salarié », partie réputée faible dans les décisions prises par ces juridictions.

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 24 octobre 2000, a rejeté l’application de la clause libératoire contenu dans un contrat aux motifs « qu’aux termes de l’article L122-3-8 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure ; qu’il résulte de ces dispositions d’ordre public que le salarié ne peut, par avance accepter la rupture de son contrat par l’employeur pour d’autres causes que celles prévues par ce texte. »

A la lecture de cet arrêt les interrogations persistent car la Cour de cassation dans son troisième attendu, cité ci-dessus, précise que le salarié ne peut accepter la rupture de son contrat à l’initiative de l’employeur. Se pose donc la question de savoir si, a contrario, une telle démarche entreprise par le salarié serait quant à elle possible, puisque supposée être dans son intérêt ?

 

Un arrêt de la chambre sociale du 10 février 2016, publié au bulletin, offre un éclairage sur ce sujet, sans toutefois apporter de réponse définitive et sans équivoque à notre interrogation.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation indique « que les dispositions de l'article 11. 2 de la convention collective du rugby, qui, en cas de relégation ou de rétrogradation du club, permettent au joueur de rejoindre un autre club professionnel avant le terme du contrat en cours, sans rendre la rupture imputable à l'employeur, ni interdire au salarié de rompre le contrat en invoquant une faute grave de l'employeur, dérogent dans un sens favorable au salarié à l'article L. 1243-1 du code du travail ; Et attendu, qu'ayant constaté, d'une part, que les joueurs avaient fait usage de la faculté prévue à l'article 11. 2 de la convention collective du rugby, et, d'autre part, que le club avait exécuté loyalement ses obligations, la cour d'appel, devant laquelle les salariés ne soutenaient pas avoir rompu le contrat en raison d'une faute grave de l'employeur, a décidé à bon droit de rejeter leur demande indemnitaire ; »

Une fois de plus, la Cour de cassation tranche dans le sens de « l’intérêt du salarié » en soulignant que les dispositions de la Convention collective du Rugby dérogent, dans un sens favorable au salarié, à l’article L 1243-1 du Code du travail et qu’elles doivent dès lors être appliquées. On rappellera à ce titre les dispositions de l’article L2251-1 du Code du travail qui dispose qu’« une convention ou un accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d'ordre public. »

 

Il est difficile d’apporter une réponse sans nuance à la question de l’applicabilité de la clause libératoire dans les relations contractuelles du sportif et de son employeur. La tendance qui semble se dégager, à l’analyse de ces décisions, est que les juridictions, guidées par la recherche de l’intérêt du salarié, vont déclarer ces clauses valables lorsqu’elles favorisent le salarié et les déclarer contraires à l’ordre public lorsqu’elles sont mises en œuvre dans l’intérêt de l’employeur.

 

L’analyse des dispositions légales et de la jurisprudence peut être utilement complétée par l'examen de certaines conventions collectives comportant des stipulations radicalement opposées.

 

Que disent les conventions collectives du rugby et du basket ball sur la clause libératoire ?

La Convention collective applicable au rugby professionnel stipule qu’est permise « la clause permettant au joueur de résilier unilatéralement le contrat avant l’échéance du terme en contrepartie du versement par celui-ci au Club quitté d’une indemnité contractuelle dont le montant est fixé à l’avance dans le contrat.»

La Convention collective applicable au basket-ball stipule qu’est permise « la clause permettant au joueur de résilier unilatéralement le contrat avant l’échéance du terme en contrepartie du versement par celui-ci au club quitté d’une indemnité contractuelle dont le montant est fixé à l’avance dans le contrat.»

Ces deux conventions collectives appliquées à des sports « majeurs » permettent au joueur de se libérer de son contrat de travail, avant l’échéance de son terme, moyennant le paiement d’une contrepartie financière, dont le montant aura été préalablement fixé dans le contrat de travail.

La lecture de ces conventions, doit se faire, selon nous, à l’aune de l’article L2251-1 du Code du travail, qui pose « le principe de faveur » dans les termes suivants : « Une convention ou accord peut comporter des stipulations plus favorables aux salariés que les dispositions légales en vigueur. Ils ne peuvent déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public ».

C’est, selon nous, ce qui faire tendre les juridictions à trancher, en faveur du joueur, lorsqu’une clause libératoire est en jeu.

 

Que dit la charte du football professionnel sur la clause libératoire ?

Une discipline prend le « contre-pied » de ces règles pouvant être considérées comme favorables au joueur : le football.

Dans sa version 2020 – 2021, la Charte du football professionnel ne laisse aucune place à la nuance puisque l’article 257 est intitulé « interdiction des clauses libératoires, résolutoires ou de résiliation unilatérale » et pose les règles suivantes : 

  • Toute clause par laquelle une partie dispose de la faculté de résilier unilatéralement le contrat est prohibée.

Sans que cette liste ne soit limitative, sont ainsi prohibées :

  • La clause dite « libératoire » prévoyant avant terme la rupture du contrat par l’une ou l’autre des parties, en contrepartie du paiement d’une indemnité,
  • La clause dite « résolutoire » prévoyant avant terme la rupture du contrat par l’une ou l’autre des parties, dans l’hypothèse de la survenance d’un événement défini.

 Tout document contractuel comportant une telle clause et soumis à la procédure d’homologation sera rejeté. Si cette clause est intégrée dans un document occulte porté à la connaissance de la Commission juridique, celui-ci sera déclaré nul et de nul effet et cela pourra entraîner pour les parties signataires les sanctions disciplinaires prévues par l’article 4 de l’annexe 2 des Règlements Généraux de la FFF.

La rédaction est d’autant plus marquante que les versions antérieures de la Charte du football professionnel ne comportaient aucune référence à ce type de clause. Seul le règlement de la Ligue de Football Professionnel en faisait état dans son article 202.

Ce type de position risque de pousser un peu plus la clause libératoire dans la clandestinité et les "accords sous seing privés", tels qu’ils sont qualifiés dans la pratique, pourraient se multiplier. Ce type d’accords que la Charte du football professionnel qualifie de « document occulte » n’a pas pour objectif d’être porté à la connaissance des instances dirigeantes du football, ni de la justice. Ces accords, à la manière d’un « gentlemen's agreement » ont pour vocation de faire que la parole donnée soit respectée et que les présidents de club laissent faire le jeu de la clause libératoire.

Cette solution et pratique place cependant les joueurs et les clubs dans l’illégalité.

 

Les instances du football français taclent violemment la clause libératoire.

Cette résistance interroge d’autant plus que la Fédération Internationale du Football Association autorise, quant à elle, la pratique des clauses libératoires et qu'elles sont courantes et légales dans plusieurs grandes nations du football. Au Brésil, les clauses libératoires sont mêmes obligatoires dans tous les contrats des joueurs de football professionneL

Ce constat autorise à se demander si la situation restera figée en France et qui, des joueurs, des clubs, de la FFF ou de la LFP, tirerait avantage d'une évolution de la règlementation actuellement en vigueur. 


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